Née avec le sexe d’un garçon, Ambre* vient d’effectuer son changement officiel d’état civil. Bâtiment Entretien, le magazine de référence du monde de la propreté, lui offre la possibilité de témoigner et de raconter son long cheminement pour être enfin en accord avec elle-même.
Quand il arrive à Paris, au mitan des années 80, le jeune homme a 19 ans. Il ne sait ni lire ni écrire, et veut se battre pour s’en sortir.
« Je voulais être commis de cuisine, mais on ne voulait pas m’embaucher. Pas de diplôme, pas d’expérience. Il a fallu que je me débrouille toute seule en suivant des cours. Mais je n’avais pas un rond, les périodes de galère se sont enchaînées. Je peux le dire clairement, j’étais Sdf » rembobine celle qui s’appelle désormais, et officiellement Ambre.
« Un nouveau prénom pas facile à porter quand on est un garçon et que l’on se présente à un entretien d’embauche… ».
Une longue histoire et un long combat. Mais ne brûlons pas les étapes.
Aidée par une assistance sociale « exceptionnelle » qu’elle appelle « Tatie Jacqueline », Ambre, même cabossée poursuit son chemin. D’abord dans l’hôtellerie restauration, où elle travaille en intérim, suit des formations et acquiert une expérience qui lui est toujours très utile.
« J’aimais cette rigueur, il fallait nettoyer en avançant, respecter les règles HACCP. J’applique encore la marche en avant ! » insiste-t-elle. Toujours de l’avant. Pour manger et avoir un toit.
Une exigence qui la conduit à travailler dans le secteur de la sécurité. CQP, SST, carte professionnelle, un nouveau métier.
« Debout 12 heures par jour, auprès d’un président du CAC 40. Ce n’était pas le métier de rêve mais il m’a nourrie pendant 4 ans. »
Puis arrive un nouveau changement d’orientation…
Très pragmatique. « J’étais très engagée dans ma démarche de changement de genre et je voulais un métier où je ne sois pas trop exposée, où je n’ai pas à affronter en permanence le regard, et les agressions.
Le secteur du nettoyage me convenait bien, et les horaires décalés garantissait un certain isolement ». Après quelques échecs clairement imputables à son «identité», Ambre est embauchée chez Cleany en 2017.
D’abord comme agent de nettoyage, évoluant ensuite comme responsable d’équipe. « Les relations sont bonnes aussi bien avec les deux collègues femmes que j’encadre, qu’avec le client. Ma démarche m’appartient, c’est une décision personnelle, dont je ne veux pas débattre. Je suis reconnue pour la qualité de mon travail et j’ai envie de progresser. J’aimerais bien transmettre mon expérience et devenir formatrice, cette reconnaissance est importante. Le métier d’une façon générale a aussi besoin d’être valorisé, mieux rémunéré ! » conclut Ambre.
Un parcours de féminisation en devenir…
En mars 2021 l’état-civil a officiellement acté le changement de prénom, mais le parcours de féminisation d’Ambre pour acquérir pleinement cette nouvelle identité est encore en devenir. La condition nécessaire pour « vivre normalement en tant que femme ».
*Le prénom a été volontairement changé.