Confrontés à une myriade de données, les décideurs se retrouvent parfois démunis face à un tel amas d’informations, ne sachant plus à quel saint se vouer. Une forme de « paralysie décisionnelle » susceptible d’entraver la bonne marche de l’entreprise.
L’abondance de biens ne nuit pas. Du moins en théorie. Un adage aux antipodes du sentiment qui a, semble-t-il, déjà traversé 71 % des dirigeants en France, selon une étude diligentée par le spécialiste de la data Oracle et intitulée « Decision Dilemma ». Ainsi, plus d’un décideur sur trois estime que le volume considérable de données mis à sa disposition l’a complètement empêché de prendre des décisions. Pis, 87 % d’entre eux pensent que la profusion croissante de sources altère le succès de leur entreprise.
Découvrons le point de vue de plusieurs dirigeants dont le fondateur de Cleany, Alexandre Bellity mais aussi le Directeur Stratégie Solutions RH d’Oracle et la Directrice Practice RGPD chez Nodya Group et Vice-présidente de l’association X-Sursaut.
Prisonnier de la data
« On peut avoir le sentiment, de prime abord, que c’est le manque d’informations qui peut mener à ce que nous appelons « paralysie décisionnelle », mais en réalité, c’est bien la trop grande abondance d’informations qui mène à cela », confirme Sylvain Letourmy, Directeur Stratégie Solutions RH d’Oracle. Une situation qui a de quoi interpeller et qui peut conduire le dirigeant à se retrouver « prisonnier » de la data. Et de fait, ne dépendre que de la donnée pour prendre ses décisions, laissant sur la touche son instinct et ses intuitions.
Car, en effet, les informations ont vocation à accompagner voire à conforter le dirigeant. À condition de disposer d’un « matériel brut » de tout premier ordre. « Le décideur doit séparer, segmenter et prioriser. Or beaucoup d’entre eux accumulent de la donnée en se disant que peut-être un jour ils en auront besoin. Ce n’est pas une bonne stratégie. Le dirigeant doit disposer d’informations exactes et mises à jour », détaille Fabienne Marquet, Directrice Practice RGPD chez Nodya Group et Vice-présidente de l’association X-Sursaut.
Lutter contre la surabondance d’informations
Pour la spécialiste, le dirigeant doit se fixer deux caps distincts : l’un disciplinaire avec une méthodologie personnelle rigoureuse et l’autre réglementaire via la RGPD (réglementation générale sur la protection des données) qui encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne. « Dans ce cadre, vous êtes obligés de cartographier tous les traitements de données dans l’entreprise mais également de rédiger des registres des traitements de la donnée. Vous ne devez pas avoir plus de données que vous ne pouvez en traiter. Or, s’il y a surplus, c’est qu’il y a une erreur de méthode ». « L’exploration des données est l’un des antidotes à la paralysie », complète Sylvain Letourmy, d’Oracle. Alexandre Bellity, fondateur de la start-up Cleany, une société de nettoyage ayant vocation à redorer le blason de ce corps de métier, abonde de ce sens et s’avoue particulièrement friand de données dans son quotidien professionnel « sous réserve d’un tri de l’information au préalable ». Et de poursuivre son raisonnement : « Trouver la donnée et savoir l’utiliser à bon escient est un atout considérable ».
« Mais pour activer la bonne donnée au bon moment il ne faut pas rester enfermé dans sa tour d’ivoire mais se faire aider par des personnes et/ou des outils idoines ». Celui qui est à la tête de près de 500 salariés confie avoir développé au sein de son entité son propre outil de gestion des données métiers et avoir recruté son premier Data Scientist dès 2018.
Rôle du Consultant Data
Car l’un des autres enseignements majeurs de l’étude « Decision Dilemna » réside dans le fait, qu’aux yeux de 70 % des dirigeants français, la majorité des données disponibles ne sont vraiment utiles que pour les experts en données (Data scientists ou professionnels de l’IT) en mesure de les interpréter et de les exploiter. « Je suis assez sidéré par cette statistique », confie Alexandre Bellity. Un « déchargement » stricto sensu de l’information du dirigeant vers le Consultant Data semble néanmoins s’avérer quelque peu périlleux, celui-ci ayant vocation à accompagner le dirigeant dans sa prise de décision, et non la prendre à sa place.
L’occasion pour Fabienne Marquet de bien définir le champ d’intervention dudit Consultant Data. « Il a vocation à faciliter la prise de décision du dirigeant. Son métier est de traiter la donnée pour que le dirigeant soit en mesure via un outil de reporting et de visualisation de prendre ses décisions à la minute ». Et Alexandre Bellity de conclure. « Si une donnée bien encadrée et « bordée » permet de prendre une décision en s’affranchissant de l’interprétatif et du subjectif, elle n’est en aucun cas un palliatif au management et à l’investissement humain ».
Article rédigé par Samir Hamladji des Echos Management